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  • Jo M. Sekimonyo

RDC : montée dangereuse d’extrémismes confondus avec un tribalisme bouillonnant

En regardant la rage destructrice actuelle et l’intolérance culturelle en RDC à travers les médias et dans de simples conversations, il est facile d’oublier qu’il fut un temps où les sources culturelles, les tribus des autres, étaient moquées et caricaturées et tout le monde riait. Personne ne semblait être Congolais car des voix, tout en rigolant, accusaient Mobutu d’être centrafricain, les bazongo d’être angolais, etc.

D’une manière ou d’une autre, quelque part, ce sens de l’humour s’est perdu. Nous sommes retournés dans les années 60 et avons glissé vers état d’esprit haineux de Joseph Kasavubu, père du tribalisme congolais illustré par l’ABAKO (L’Alliance des Bakongo). De nos jours, les partis politiques sont redevenus rien d’autre qu’une structure politique pour défendre ou plaider au nom d’une tribu, mais pour le bénéfice et l’avantage d’un leader autoproclamé ou nommé par l’étranger et de sa clique.

Une fois que nous nous arrêtons pour disséquer le ton actuel et les émotions qui découlent des arguments et des offensives politiques basés sur ce qui était autrefois drôle, nous ne pouvons plus nous leurrer que c’est du tribalisme mais plutôt nous réveiller que c’est de l’extrémisme en pleine parade.

Le président Félix Tshisekedi a trouvé le système déjà en place, mais a certainement aggravé, comme tant de choses, par sa défense publique des Banyamulenge. Franchement, ce serait pareil s’il l’avait fait pour les Batetela. Au lieu de cela, il aurait dû prendre silencieusement son temps pour méditer et essayer de formuler une solution générale au mal enraciné dans la constitution nationale.

Par ailleurs, au lieu de récompenser ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas prendre les armes et tuer leurs concitoyens, en lançant une armada économique et sociale vers l’Est, le fait de cosigner une rencontre ou entamer des négociations avec les milices armées à caractères tribales, des pures expressions de l’extrémisme, est une tragédie. Ceci sanctifie, donne un air de héro, ceux qui prennent les armes dans la soi-disant légitime défense ou protection d’une tribu et dont les actes n’apportent pas la justice, mais plutôt l’imposition d’une autre injustice. Pire, ces mêmes prétextes conduisent à des efforts de ségrégation dans une bulle tribale qui ne fait que ralentir, si pas rompre, le cycle de maturation économique et sociale nationale dont la RDC a tant besoin.

Il faut dire aussi que malgré les alarmes tirées sur un soi-disant plan de balkanisation de la RDC tant que la constitution accorde à la république une forme d’assemblage des ethnies et non des individus, le sens qu’une tribu a préséance sur le patri continuera de perdurer et d’alimenter des antagonismes meurtriers aux profit des pygmées intellectuels et l’appétit des barbares nationaux et étrangers de toutes sortes.

La fierté tribale consiste à préserver la source culturelle, ce qui n’exclut pas la promotion des valeurs d’hospitalité et de fierté nationale. Mais l’enfer se déchaîne lorsque la notion d’interdépendance tribale, tout comme spirituelle, est rouillée par une certaine paranoïa de survie ou d’injustice. On va généralement au-delà du plaidoyer pour son groupe pour le défendre, par tous les moyens et à tout prix. Pour le dire simplement, cela conduit à l’extrémisme.

Le discours de haine est un instrument qui alimente l’extrémisme et non l’inverse, est utilisé par des créatures qui ne peuvent pas rivaliser dans le domaine de la créativité rationnelle ou faire des arguments concis sur ce qui compte vraiment pour une nation, le changement social et la croissance économique.

Il en va de même de la parité, dans un pays comme la RDC, qui accuse un grand retard en matière de développement économique et social.

D’une part, c’est un mécanisme tolérable d’instauration de l’égalité lorsqu’elle consiste à assurer aux femmes et aux hommes l’accès aux mêmes opportunités et droits tels que le salaire (à poste et grade équivalents) et l’emploi (accès à une profession, égalité des chances en matière de recrutement) et la formation (alphabétisation, niveau d’études, etc.).

D’autre part, comme la nation n’a pas encore résolu la pauvreté généralisée et la mauvaise qualité des moyens individuels d’insertion dans le marché mondialisé, elle dilue l’essence de la démocratie, marché des idées, quand cela signifie que chacun doit aussi être représenté dans les institutions, la représentativité politique (droit de vote, droit d’être élu, composition d’une assemblée élue ou d’un gouvernement, etc.) en modulant certains aspects des élections ou en imposant aux partis politiques d’appliquer la parité dans la présentation des candidats aux élections et est toxique pour l’esprit de méritocratie lorsqu’il s’agit d’imposer la représentativité des dirigeants d’entreprises ou d’institutions publiques (postes de direction, conseil d’administration, etc.).

La nation doit s’efforcer d’abattre les murs qui ont été construits au fur du temps d’empêcher que notre démocratie ne devienne un véritable concours d’idées et d’aspirations modernes, et de moderniser les institutions éducatives publiques et privées qui sont en fait des usines à infuser des idées, éveiller les consciences et déclencher un défiant raisonnement. Ce n’est qu’alors qu’un ajustement peut être effectué pour l’égalité, si nécessaire.

Et il n’y a aucune crainte de discrimination positive en faveur des nationaux. Là encore, il ne s’agit pas de créer une oligarchie à la russe, basée sur le contrôle des ressources de l’État par quelques-uns, plutôt plus l’intégration mondiale à la chinoise de Deng Xiaoping.

Il est frustrant de voir comment les bluffeurs congolais et étrangers ont convaincu la nation que la corruption au lieu de pointer du doigt les détournements de fonds et la capitulation de l’Etat qui engendre la « corruptibité », la mauvaise gouvernance au lieu de mettre en lumière les mauvaises règles et méthodes de casting pour les acteurs politiques, présenter les Congolais comme paresseux ou de la parité au lieu de parler du manque d’accès au capital et d’un écosystème entrepreneurial sain et le tribalisme au lieu de dénoncer l’extrémisme entravent son développement économique et sa transformation sociale.

Mais pour l’instant, il est absolument nécessaire de bien étiqueter le mal qui déchire la nation chaque jour. Ce n’est pas du tribalisme, mais plutôt de l’extrémisme. Il appartient aux citoyens de hurler haut et fort et d’agir contre la persistance et l’aggravation de l’extrémisme et de ses dérives, car le tolérer s’avère depuis longtemps très coûteux socialement et économiquement et surtout en vies humaines.


Jo M. Sekimonyo

Auteur, théoricien, militant des droits de l’homme et économiste politique


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